Entre stabilisation des structures, rénovation des menuiseries et des décors peints, découvrez ce chantier atypique visant à redonner vie à ce chef-d’œuvre du patrimoine.
La Bibliothèque de l’Empereur, situé au Château de Compiègne souffre depuis plusieurs années de plusieurs problèmes. La déformation du plafond peint provoque de nombreuses fissures et des décollements inquiétants de la couche picturale. Les lambris, le parquet et les menuiseries extérieures montrent des signes de vieillissement.
Face à cette dégradation évolutive, deux interventions de prévention ont été menées en 2006 et 2008 par le musée national du château. Par ailleurs, pour protéger cette pièce très exposée à la lumière, les textiles et leur passementerie ont été refaits à l’identique en 1996. Enfin, le mobilier en acajou et bois doré, ainsi que les bronzes et objets d’art, ont été restaurés ces cinq dernières années.
Pour répondre à cette altération, le ministère de la Culture a lancé un chantier d’envergure. Sous la maîtrise d’ouvrage de l’Oppic, les travaux sont dirigés par Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques. Ce chantier vise à restituer la bibliothèque dans son état originel, tout en garantissant sa conservation à long terme.
Le projet s’articule autour des interventions suivantes :
- La stabilisation structurelle du plancher haut de la bibliothèque,
- La restauration des menuiseries extérieures,
- La modification des systèmes de chauffage et de ventilation afin d’améliorer les conditions de conservation des décors et des meubles,
- L’électrification des lampes et bras de lumière,
- La restauration générale des aménagements intérieurs et des décors peints, en particulier du plafond.
Par ailleurs, un constat en cours de chantier a mené à un projet modificatif. Pierre Bortolussi nous explique : « Les diagnostics réalisés par Éric Pallot avaient initialement orienté la restauration vers une consolidation structurelle du plancher haut, pour stabiliser la déformation des poutres principales. Cependant, lors de la dépose du parquet de l’étage, nous avons constaté que la déformation du plafond peint n’était pas liée aux poutres, comme nous l’avions d’abord supposé. Elle provenait en réalité d’un défaut d’adhérence du plâtre au lattis en châtaignier, qui avait été posé trop serré à l’origine. Ce constat nous a conduits à revoir notre approche. Nous avons opté pour une consolidation par injection de résine depuis le dessus, une solution qui a permis de rétablir l’adhérence du plâtre tout en préservant la couche picturale du plafond. Au-delà de cette consolidation structurelle, nous menons une restauration fine et méticuleuse d’un décor Premier Empire, en veillant à respecter pleinement l’intégrité et l’histoire de ce patrimoine exceptionnel. »
La restauration des dorures et décors peints
La restauration de la bibliothèque de l’Empereur est une entreprise exceptionnelle, mêlant savoir-faire technique et respect du patrimoine. Pour ce chantier, ARCOA, l’entreprise en charge de la restauration des dorures et décors peints, a mobilisé une équipe pluridisciplinaire composée de restaurateurs, doreurs, analystes spécialisés et une photographe, répondant à l’expertise nécessaire pour traiter un ensemble décoratif aussi prestigieux.
Avant d’intervenir, un diagnostic complet a été mené, étape essentielle pour comprendre l’état des décors peints et des dorures. Cette analyse s’est appuyée sur une documentation photographique en haute définition, des observations minutieuses à la loupe binoculaire et au microscope portable, ainsi que des sondages pour identifier les éléments d’origine et les anciennes restaurations. Les relevés ont permis de cartographier les fissures, décollements et soulèvements de peinture, révélant des altérations complexes, comme un support en plâtre désolidarisé de sa structure ou des repeints disgracieux. Des prélèvements ont également permis de caractériser les matériaux et techniques d’exécution, apportant une meilleure compréhension des défis à relever.
Le constat a mis en lumière des enjeux majeurs, comme la stabilisation du plafond en trompe-l’œil et la protection de la toile de Girodet, appartenant aux collections du musée du Louvre, tous deux menacés par des désordres structurels. Les premières étapes ont consisté à consolider les supports fragilisés en injectant des coulis de plâtre et en mettant en place des protections pour éviter les dommages lors des interventions. La coordination entre les équipes intervenant simultanément à l’intrados et à l’extrados a été cruciale, notamment lors des traitements structurels à la résine époxy, un matériau aux propriétés irréversibles, nécessitant une surveillance de chaque instant pour prévenir tout risque de coulure sur les décors.
Au fil des travaux, une méthodologie rigoureuse a été mise au point avec l’architecte : refixage des soulèvements, nettoyage minutieux des peintures et dorures, retrait des repeints altérants, et réintégration chromatique illusionniste, respectant l’unité visuelle tout en conservant la patine du temps. Les dorures, usées et encrassées, ont été restaurées ou restituées à la feuille d’or selon leur emplacement, tandis que la toile de Girodet faisait l’objet de soins particuliers.
« Ce chantier ne se limite pas à une restauration : il redonne à cette œuvre décorative signée Girodet, Dubois et Redouté son éclat et sa lisibilité, effaçant les cicatrices du temps pour qu’elle puisse à nouveau rayonner comme témoignage d’un patrimoine inestimable. », nous souligne Laure Flammang, responsable de chantier chez ARCOA.
La restauration des aménagements intérieurs
Avant de débuter les travaux de restauration, l’entreprise désignée par l’Oppic "Les Ateliers de la Chapelle" ont mené une étude historique approfondie. Cette analyse permet de mieux comprendre les techniques de construction d’origine et les interventions qui ont eu lieu au fil du temps. Sur la base de ces observations, un cahier des charges est établi pour définir les actions à entreprendre, en respectant l’histoire et les matériaux du meuble. Une fois cette phase préparatoire achevée, les restaurateurs passent à l’action, avec une attention particulière à chaque détail, pour s’assurer que chaque intervention soit validée par l’architecte, le maître d’ouvrage et les conservateurs, sous le contrôle scientifique et technique assuré par la DRAC.
Lors de l’évaluation initiale, l’accent est mis sur le nettoyage des cires anciennes, la restauration des sculptures dorées et l’harmonisation des teintes pour assurer une finition uniforme. Le travail sur le bois est réalisé selon un principe de conservation, en se limitant aux zones dégradées afin de préserver son authenticité.
Les greffes sont effectuées dans des bois de même essence, le même grain et le même fil que ceux d’origine, puis teintes pour garantir une réintégration parfaite, notamment pour l’acajou de Cuba, bois désormais introuvable. La restauration des marqueteries et des incrustations endommagées suit la même rigueur, avec des greffes discrètes qui respectent l’apparence et la structure d’origine.
Toutes les interventions sont systématiquement photographiées et archivées pour assurer un suivi complet du projet.
Enfin, pour garantir la pérennité des meubles restaurés, des traitements spécifiques sont appliqués. Par exemple, des verres de protection sont installés sur les façades des bibliothèques afin de protéger les livres et d’éviter toute détérioration future.
« L’un des défis majeurs de ce type de restauration est de concilier les techniques anciennes avec les outils modernes, Les Ateliers de la Chapelle s’efforcent de conserver un travail manuel à la hauteur des traditions. Chaque meuble est traité selon les mêmes principes que ceux employés à l’époque de sa création, avec une attention particulière à la préservation de son caractère authentique. Ainsi, chaque restauration réalisée ne se contente pas de redonner vie à des pièces historiques ; elle assure également leur survie à long terme, tout en préservant les témoignages précieux de notre patrimoine. » nous confie Julien Retailleau, chargé de projets au sein des Ateliers de la Chapelle.
Maître d’ouvrage
Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture, Oppic
Maîtrise d’œuvre
- Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques
- Economiste : Cabinet ECOVI
- Bureau d’étude fluides : ACTIF BET
- Bureau d’étude structure : BMI
Assistance à maîtrise d’ouvrage
- Coordinateur SPS : ACOR Études
- Contrôleur Technique : ALPES Contrôle
- Coordinateur SSI : ACTIF BET
Entreprises
- Maçonnerie / PDT / Installation de chantier : Charpentier PM
- Charpente bois et métal : Les métiers du bois
- Menuiseries intérieures et extérieures : Baty Dominique
- Ebénisterie / Agencement : Les Ateliers de la Chapelle
- Peinture : ENRRI
- Restauration de décors peints et dorures : ARCOA
- Tissus tendus : L’Atelier de Tapisserie de Franck
- Électricité – Courants faibles : LD Électricité
- Chauffage / Traitement d’air / Plomberie : Missenard Climatique