Les premiers murs de façade du bâtiment, devant accueillir les vestiges archéologiques et la documentation scientifique conservés par l’Etat, DRAC Bourgogne-Franche Comté, conçu par Nunc Architectes et sous la maîtrise d’ouvrage de l’Oppic, se dévoilent alors que le chantier entre dans une phase importante.
Rendre visible le travail de l’archéologue
L’enveloppe du bâtiment a été conçue par les architectes comme « une peau de panneaux préfabriqués de béton composés en fond de coffrage des vestiges archéologiques déclassés. Ainsi, la seule façade visible sur l’espace public sera l’expression du travail de l’archéologue. »
Louis Piccon, co-gérant fondateur de Nunc Architectes nous partage son expérience : « nous avons eu l’envie de proposer pour cette façade une alternance de baies vitrées, et de panneaux pleins que nous avons pensés intégrant les vestiges déclassés du Service régional de l’archéologie (SRA), comme une mosaïque de fragments de l’histoire. »
Quels critères conduisent à reclasser certains des vestiges ?
Sophie Gizard, responsable de la gestion des biens archéologiques mobiliers, nous explique : « La création du Centre de conservation et d’étude archéologique (CCEA) à Besançon a amené le SRA à mettre en place un chantier des collections portant sur l’ensemble des mobiliers archéologiques conservés par l’Etat sur le territoire franc-comtois afin qu’ils puissent être, inventoriés et conditionnés selon les normes conservation actuelles avant d’intégrer les réserves du futur bâtiment.
La collection comportait des vestiges de différentes périodes, du Paléolithique jusqu’à l’époque contemporaine relevant de domaines diversifiés (habitat, commerce, cultuel, funéraire…) et constitués de matériaux variés : céramique, lithique, anthropologie, faune, métaux, lapidaire, matériaux de construction, organiques, verre….
Ces objets ou fragments d’objets mis au jour, parfois depuis 80 ans, au cours d’opérations archéologiques autorisées ou non présentaient des conditionnements, états de conservation et niveaux d’information disparates.
Tous les biens archéologiques mobiliers, ne sont pas porteurs des mêmes degrés d’information et potentiel d’étude. Ceux-ci varient en fonction de l’état de dégradation, du contexte de découverte, de la qualité de l’enregistrement, de la représentativité des vestiges, ils n’ont ainsi pas tous vocation à être conservés de manière pérenne.
Une stratégie de conservation sélective a été mise en place au cours du chantier régional des collections afin de cibler, en fonction de critères spécifiques, les vestiges ayant perdu leur intérêt scientifique à être conservés. Des grandes séries répétitives issues de fouilles importantes ont également été échantillonnées. Les arbitrages ont été rendus après expertise scientifique et technique.
Les vestiges non conservés ont pour la plupart été réutilisés comme matériaux de construction pour le CCEA. Il s’agit exclusivement de matériaux inorganiques stables compatibles avec une utilisation architecturale : céramique, terre cuite, verre, pierre….
Les autres (métaux corrodés, matériaux organiques, sédiments) ont été soit détruits, soit recyclés en matériel pédagogique.
Le Code du patrimoine fixe les règles pour procéder à la conservation sélective des vestiges issus d’opérations archéologiques autorisées par l’Etat. Bien qu’une grande partie des objets éliminés provenaient de collectes non autorisées, la CTRA- commission territoriale de la recherche archéologique- a été consultée et a validé la méthodologie mise en place et les choix opérés. »
La mise en œuvre du projet
Un travail de conception a été mené entre l’architecte et l’entreprise. Louis Piccon nous décrit le processus : « Dans un premier temps, nous avons fait des tests de vestiges coulé dans du plâtre ou du mortier qui nous ont convaincus. Une fois l’entreprise GCBAT désignée, nous l’avons informée de l’importance que nous portions à la bonne réalisation de ces panneaux de façade.
L’entreprise a fait une série d’échantillons en début de chantier afin de mieux cerner notre demande (teinte du fond, répartition et densité des vestiges...) »
Vincent Pasteur, conducteur de travaux chez GCBAT, nous explique que la mise en place du protocole de fabrication des panneaux a été « un réel casse-tête, il aura fallu de nombreux essais pour mettre au point les étapes. Après toutes ces tentatives, le processus final était abouti :
- Un encadrement en béton armé de 16 cm d’épaisseur coulé à l’envers, par la société COTEC.
- Pour la partie centrale, la réalisation d’un fond en béton armé d’une épaisseur de 10 cm, coulé avec l’encadrement, dans lequel, sur la face avant, un mortier de ciment blanc est coulé où sont déposés les vestiges archéologiques. »
Pour Louis Piccon : « La réalisation des panneaux a été l’occasion d’une belle coopération entre notre équipe et l’entreprise. Nous avons préparé un « mélange » de vestiges de différentes formes et origines (porterie, enduit, marbres, mosaïque, verres, tuiles, silex, terre cuite émaillée…) pour chacun des 14 panneaux en fonction de leur dimension.
La réalisation s’est étalée sur 6 jours. Nous avons été présents les deux premiers jours pour mettre en œuvre les incorporations des premiers panneaux. Progressivement les deux maçons en charge des panneaux ont pris la main pour la réalisation des autres panneaux.
Il s’est dégagé de cette coopération une belle énergie et une véritable envie de bien faire qui se ressent sur le travail fini. Les panneaux posés présentent une homogénéité globale vus à distance, et de près, chaque panneau est à la fois similaire mais différent en fonction des fragments d’objets inclus.
Ces panneaux au-delà du rôle de façade qu’ils doivent jouer, reflètent également une petite histoire humaine de chantier. »
Comme en témoigne Vincent Pasteur « Le rendu final est très proche de la perspective architecturale. Un défi relevé par l’équipe GCBAT ! »