Le réemploi sur les chantiers monuments historiques. Le chantier test de l’Ecole militaire : une source d’inspiration

Le réemploi sur les chantiers monuments historiques. Le chantier test de l’Ecole militaire : une source d’inspiration

L’Oppic s’implique avec la compagnie des Architectes en chef des Monuments historiques auprès des maitres d’ouvrage, des exploitants et des responsables de la politique immobilière, au-delà de la stricte conduite des opérations, pour intégrer les nouveaux enjeux de la maitrise d’ouvrage en matière d’innovation et de performance environnementale et sociale et pour pleinement prendre part à l’ensemble des politiques déployées par le ministère de la culture.

Dans le cadre de sa mission environnementale l’Oppic a identifié comme axe d’amélioration le volet de réemploi des matériaux en particulier sur les projets monuments historiques.

L’Ecole militaire : chantier test de réemploi

L’Oppic est maître d’ouvrage de l’opération de restauration du bâtiment 001 de l’École Militaire dont les travaux ont démarré en 2016 et seront achevés en 2026. Ce projet fait appel à de nombreuses spécialités propres aux chantiers « monuments historiques » : maçonnerie pierre de taille, charpente, couverture, menuiserie, ferronnerie …

Il a été décidé de s’appuyer sur ce chantier pour explorer les potentialités du réemploi en contexte monument historique. Pour cela, Martin Bacot l’architecte en chef des monuments historiques, en groupement avec le bureau d’étude spécialisé en réemploi R-USE ont été missionnés par l’Oppic. Les objectifs de cette mission sont de mieux maîtriser les méthodologies de réemploi des matériaux déposés, mais aussi de tester des techniques de dépose ou de démolition de matériaux ciblés (comme la pierre de taille, les menuiseries extérieures, le plomb de couverture et les ardoises) dans le but de produire un guide de « réemploi en monuments historiques ».

Pour Clément Rigot de l’équipe de Martin Bacot « les pratiques ancestrales de réemploi dans le bâti ancien et celles encore actuelles dans les restaurations de monuments historiques, sont une source d’inspiration pour les pratiques et les réglementations en cours d’évolution. La mission d’études et chantiers tests pour le développement du réemploi dans les opérations de restauration, conduite pour l’Oppic en associant des ingénieurs spécialisés en économie circulaire et des architectes spécialisés en restauration de monuments historiques a permis de riches échanges, la confrontation de méthodes et d’expériences, pour tenter de déterminer des évolutions concrètes et acceptables des pratiques. »

Pierres neuves qui arrivent à côté des pierres déposées qui repartent pour réemploi
Pierres neuves qui arrivent à côté des pierres déposées qui repartent pour réemploi

Trois phases d’études

  • La première phase d’étude correspond à l’établissement du contexte technique et réglementaire avec notamment la recherche documentaire sur l’origine des techniques de déconstruction et de réemploi, mais aussi la recherche de filières pour le réemploi de matériaux ciblés dans le respect du cadre juridique qui s’applique aux monuments historiques.
  • La deuxième est axée autour des chantiers tests, avec la recherche de méthodologies et de techniques de déposes alternatives permettant de maximiser la conservation des matériaux.
    Liée à cela, une étude quantitative et économique des processus de dépose est développée, en décomposant les quantités et les prix des différentes méthodes pour les comparer aux techniques habituelles.
    Ainsi chaque type de matériaux déposé est classé dans un tableau en fonction des quantités et références du matériau, de ses dimensions ou encore de son prix.
    Pour chaque type de matériau il s’agit d’évaluer le surcoût lié à la dépose soignée et de le comparer aux économies générées par l’amoindrissement du volume de matériau neuf nécessaire au regard des émissions CO2 évitées.
    Cela permet de déduire le poids des matériaux nécessaires au projet et ainsi l’impact entre restauration et remplacement, mais aussi d’envisager différents scénarios de restauration en fonction des quantités récupérées.
    Par exemple, dans le cadre du chantier test de l’Ecole militaire, sur l’année 2023, 4 tonnes de pierres ont été réemployées, ce qui fait un gain carbone de 1 476 kg.CO2 eq et 76%. Des menuiseries ont été restaurées, ce qui correspond à un gain carbone de 20 350 kg.CO2 eq.
Identification des couvertines en plomb en vue de leur réemploi
Identification des couvertines en plomb en vue de leur réemploi
Appui de fenêtre réalisé en plomb réemployé insitu en « déclassement » de couvertines de plomb plus épaisses qui étaient fendues au niveau des joncs. Une soudure autogène a permis d'obtenir la longueur nécessaire.
Appui de fenêtre réalisé en plomb réemployé insitu en « déclassement » de couvertines de plomb plus épaisses qui étaient fendues au niveau des joncs. Une soudure autogène a permis d’obtenir la longueur nécessaire.

Romain Lefauve, chargé d’opérations à l’Oppic souligne que " la réalisation de ce chantier tests a donné des résultats encourageants, qui ont permis de valoriser des matériaux qui étaient destinés au rebus.
Le dialogue avec les entreprises est primordial, pour arriver à les convaincre de l’intérêt de la démarche et obtenir leur entière adhésion.
Cela induit des nouvelles façons de faire, qui requièrent plus de temps et de minutie de la part des entreprises, comme la dépose « en tiroir » des blocs de pierre de taille et le retrait d’ardoises fragiles ou encore le démastiquage des bois de menuiseries extérieures. L’amélioration des méthodologies et la pratique régulière doivent permettre un gain de performance pour atteindre, à moyen terme, un gain économique par rapport au remplacement à neuf.
Je pense qu’il s’agit d’une démarche vertueuse nécessaire, qui demande de poursuivre l’investissement du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre, en s’appuyant sur les savoir-faire des entreprises travaux, pour arriver à s’imposer comme étant la meilleure façon pour tous de restaurer le patrimoine."

  • Enfin, la troisième phase d’étude porte sur la détermination des objectifs de moyens ou de résultats de réemploi à inclure dans les marchés de maîtrise d’œuvre et de travaux.
Toiture aile ouest bâtiment 1, facade Nord après restauration.
Toiture aile ouest bâtiment 1, facade Nord après restauration.

Maître d’ouvrage
L’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture, Oppic

Maîtrise d’œuvre
Martin Bacot , architecte en chef des monuments historiques

Entreprises

  • Echafaudages : société LAYHER
  • Maçonnerie, pierre de taille : société LANFRY
  • Consolidation des décors sculptés, sculpture : groupement H.CHEVALIER- l’Atelier des sculpteurs
  • Couverture, charpente : BALAS
  • Menuiserie : société LES METIERS DU BOIS
  • Ferronnerie, serrurerie : LOUBIERE la forge d’art
  • Peinture, dorure : société DUVAL & MAULER